L’instabilité politique s’installe durablement en France. Et ses effets ne se limitent pas aux sphères institutionnelles ou économiques : le marché du travail en ressent déjà pleinement les conséquences.
Recrutements ralentis, salaires sous pression, difficultés de projection… candidats et recruteurs évoluent dans un climat d’incertitude généralisée.
C’est ce que décrypte Éric Gras, expert du marché de l’emploi chez Indeed, dans le dernier épisode de Jobnews by Indeed.
Un climat social largement dégradé
Selon l’étude OpinionWay x Indeed, le constat est sans appel :
✔ 83 % des candidats
✔ 81 % des recruteurs
estiment que le climat social s’est dégradé au sein des entreprises.
Cette perception repose sur plusieurs facteurs : sentiment d’injustice face aux efforts demandés, manque de visibilité sur l’avenir, décisions budgétaires difficiles à comprendre et communication parfois insuffisante.
« Quand les règles du jeu changent en permanence, la confiance s’érode. »
Or, l’emploi repose avant tout sur la confiance. Lorsqu’elle vacille, les tensions internes augmentent et les perspectives se brouillent.
Recrutement : l’effet attentisme généralisé
L’un des impacts les plus immédiats de l’instabilité politique concerne le recrutement.
👉 87 % des candidats et 85 % des recruteurs estiment que ce contexte décourage les entreprises d’embaucher.
👉 90 % jugent les perspectives d’embauche plus incertaines.
Concrètement, les entreprises repoussent leurs décisions, privilégient les recrutements en urgence et réduisent l’anticipation à long terme. Les processus s’allongent, certains postes disparaissent en cours de route et les candidats postulent moins.
Un cercle vicieux qui ralentit l’ensemble du marché.
Salaires et évolutions professionnelles sous pression
L’étude met également en lumière une forte inquiétude sur les rémunérations :
✔ 90 % des candidats
✔ 85 % des recruteurs
considèrent l’instabilité politique comme une menace directe pour les salaires.
Résultat :
→ 23 % des entreprises ont déjà gelé les rémunérations
→ Près de 3 recruteurs sur 4 estiment que cela pourrait se produire prochainement
Les perspectives de promotion et d’évolution sont elles aussi affectées.
86 % des candidats et 77 % des recruteurs estiment qu’elles sont devenues plus difficiles.
Pour les salariés, cela se traduit par un sentiment de stagnation et un manque de visibilité sur leur avenir professionnel.
Les jeunes et les profils fragiles en première ligne
Comme souvent en période d’incertitude, les populations les plus vulnérables sont les premières touchées.
👉 73 % des moins de 35 ans déclarent avoir du mal à se projeter
👉 Les seniors, les travailleurs précaires, les chômeurs et les moins qualifiés subissent davantage les gels d’embauche et les arbitrages RH
« Quand l’horizon est brouillé, on avance plus lentement. »
Chez les jeunes actifs, cette incertitude pèse particulièrement sur les décisions de carrière, de formation ou de mobilité.
Télétravail et instabilité : un malaise amplifié
Le télétravail, largement installé depuis la crise sanitaire, joue également un rôle dans ce contexte.
S’il offre de la flexibilité, il accentue parfois le sentiment d’isolement lorsque la situation se tend. Moins d’échanges informels, moins de signaux faibles, moins de feedbacks directs : les incertitudes liées à l’emploi, aux salaires ou aux promotions se ressentent plus fortement à distance.
D’où un besoin accru de communication claire et régulière de la part des managers.
Entreprises vulnérables : PME et ETI sous tension
Toutes les entreprises ne sont pas exposées de la même manière.
👉 41 % des PME de 20 à 249 salariés déclarent un risque accru de fermeture
👉 Ce chiffre monte à 46 % pour les ETI
👉 Les grandes entreprises semblent mieux protégées (17 %)
Les secteurs les plus fragilisés restent le commerce, le tourisme, l’hôtellerie-restauration, tandis que l’industrie, le BTP et les services montrent une résilience relative.
Candidats : sécuriser son parcours avant tout
Face à ce climat, les candidats adoptent une posture de sécurisation, proche du career cushioning.
✔ 23 % ont déjà changé de secteur
✔ 15 % ont repris une formation
✔ 17 % ont accepté un poste en dessous de leur qualification
L’objectif : réduire le risque, rester employable et anticiper d’éventuelles turbulences.
Formation : un paradoxe inquiétant
L’étude révèle enfin un paradoxe majeur :
👉 77 % des candidats souhaitent se former pour s’adapter
👉 76 % des recruteurs envisagent pourtant de réduire les budgets formation
Un signal préoccupant, alors même que la formation reste l’un des leviers les plus efficaces pour maintenir l’engagement, sécuriser les parcours et renforcer l’attractivité des entreprises.
Quelles pistes pour restaurer la confiance ?
Malgré ce contexte tendu, des leviers existent :
🔹 Mieux planifier les besoins RH, même à long terme
🔹 Préserver les budgets formation
🔹 Communiquer avec transparence sur les recrutements et les salaires
🔹 Assouplir les critères de recrutement en valorisant les compétences
🔹 Protéger les populations les plus fragiles
🔹 Limiter les gels salariaux généralisés au profit d’arbitrages ciblés
« Même dans l’incertitude, il est possible d’agir pour redonner de la visibilité. »
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